Des employés de la Société Le Nickel (SLN), filiale du groupe minier Eramet, à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, en avril 2016. / THEO ROUBY / AFP

Le nickel calédonien n’est pas encore sauvé, mais l’horizon s’éclaircit pour la Société Le Nickel (SLN), filiale du groupe minier Eramet, menacée de faillite à court terme. Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie l’a en effet autorisée à exporter 4 millions de tonnes de minerai de nickel par an pendant dix ans (contre 1,2 million en 2018) de 2021 à 2031, a annoncé, mardi 16 avril, l’exécutif local, malgré l’opposition de la minorité des indépendantistes kanaks du FLNKS.

« Ce qui est important est que ces exportations soient autorisées. C’est le bol d’air qu’attendait la SLN », a déclaré Nicolas Metzdorf, porte-parole du gouvernement, alors que le président de la province Nord, Paul Néaoutyine, dénonçait, dans Les Nouvelles calédoniennes, « la dernière version d’une politique coloniale de la terre brûlée ».

Pour Eramet, c’est à coup sûr « une étape fondamentale » du redressement de la SLN, qui emploie 2 000 salariés et génère 8 000 emplois induits. Ces exportations du minerai, qui n’est pas transformé dans l’usine métallurgique de Doniambo à Nouméa, sont une composante essentielle du plan mis en place par Christel Bories.

Nommée PDG d’Eramet en mai 2017 après un long parcours chez Péchiney, cette diplômée d’HEC n’avait pas caché, en février, que c’était « le plan de la dernière chance » pour la SLN, dont Eramet est le premier actionnaire avec 54 % du capital, devant les trois provinces calédoniennes (36 %) et un investisseur japonais (10 %).

Amélioration de la productivité

Le coût de la main-d’œuvre et le prix de l’électricité expliquent pour une bonne part la dégradation des comptes de la SLN

La société calédonienne, créée en 1880, fait face à « la montée en puissance de nouveaux producteurs de nickel à bas coût » en Asie du Sud-Est, souligne le groupe. Elle a accumulé 850 millions d’euros de pertes au cours des sept derniers exercices (2012-2018) et elle n’aura « plus de trésorerie mi-2020 ».

Le coût de la main-d’œuvre et le prix de l’électricité nécessaires à l’usine métallurgique de transformation du nickel expliquent pour une bonne part la dégradation des comptes de la SLN. En 2016, elle n’avait dû sa survie qu’à des avances de trésorerie de sa maison mère (325 millions) et de l’Etat (200 millions).

Outre la hausse des exportations, une amélioration de la productivité des sites est également prévue. « Nous allons passer leur durée d’exploitation de 109 heures à 147 heures par semaine », explique Mme Bories. Pour atteindre cet objectif, Eramet a promis la création de 180 emplois pour ses mines. Mais celle de Thio, l’un des quatre sites locaux, est en grève depuis deux mois pour s’opposer à ce plan. Contre toute évidence économique.

En effet, la SLN a un coût de production, non compétitif, de 5,8 dollars (5,1 euros) par livre de nickel. Sa maison mère souhaite le réduire de 1,30 dollar d’ici à 2021 dans le cadre de son plan de performance. Le surcroît d’exportations compte pour 0,60 dollar et le plan sur l’emploi pour 0,45 dollar.

Bons résultats dans le manganèse du Gabon

Reste un point clé : les tarifs de l’électricité – très élevés – du fournisseur local Enercal. Rien ne dit qu’Eramet parviendra à le faire fléchir, alors que l’énergie pèse 40 % des coûts de production. Pour éviter les coupures, la SLN est obligée, 42 fois par an, de se déconnecter du réseau et de mobiliser ses groupes électrogènes. Et la Nouvelle-Calédonie n’attend pas l’entrée en service d’une nouvelle centrale au gaz avant 2023.

Cette augmentation des exportations va à l’encontre de la « doctrine Nickel » du FLNKS, qui dispose de cinq membres au gouvernement (sur onze) : tirer le maximum de valeur ajoutée, en transformant sur place des minerais à haute teneur, et exporter ceux à faible teneur dans des usines offshore à capitaux publics calédoniens (Corée du Sud) pour augmenter au maximum les retombées économiques.

Le feu vert à l’export du gouvernement de Nouméa redonne de l’air au groupe Eramet, dont le bénéfice net 2018 n’a tenu qu’aux bons résultats de son activité dans le manganèse du Gabon. Depuis l’annonce de l’accord, le titre a progressé de près de 10 % à la Bourse de Paris.