Le Mo.Co ou la promesse de voir l’art grandir
Le Mo.Co ou la promesse de voir l’art grandir
Par Emmanuelle Lequeux, Guillaume Fraissard
Montpellier inaugure son centre d’art contemporain le 29 juin : le Mo.Co, hydre à trois têtes sans fonds permanent, ambitionne de suivre la formation des talents de demain, de les exposer et de présenter sur ses cimaises des collections privées du monde entier.
L’Hôtel des collections (ex-hôtel Montcalm), fer de lance du Mo.Co, à Montpellier, le 24 juin. / SANDRA MEHL POUR « LE MONDE »
Mo.Co. Toute ressemblance avec des noms ou des lieux ayant déjà existé… n’aurait rien d’involontaire. Derrière les quatre lettres de Montpellier contemporain, le nouveau centre d’art contemporain de la capitale de l’Hérault, qui sera inauguré le 29 juin, flotte comme un air américain. Lacma, MOCA, SFMoMA… Pour imprimer sa marque sur la carte mondiale des lieux artistiques qui comptent, la ville dirigée par Philippe Saurel (divers gauche) a choisi un nom et une communication en phase avec une région dont les inspirations sont à chercher du côté de la Californie.
Le Mo.Co n’est pas un lieu unique mais un triptyque. L’ancien hôtel Montcalm, rebaptisé pour l’occasion Hôtel des collections, situé rue de la République, sera le fer de lance de cette nouvelle proposition artistique. C’est là, dans ce bâtiment redessiné par l’architecte Philippe Chiambaretta, avec un jardin repensé par l’artiste Bertrand Lavier, que les visiteurs pourront découvrir, dès le 29 juin, l’exposition consacrée à la collection du créateur de mode japonais Yasuharu Ishikawa.
Comment constituer aujourd’hui un musée d’art contemporain en partant d’une feuille blanche ? Le Mo.Co relève le défi avec cet endroit « où naîtront uniquement des projets conçus à partir de collections privées », résume Nicolas Bourriaud, ancien codirecteur du Palais de Tokyo à Paris, commissaire de nombreuses expositions de par le monde et en charge du projet montpelliérain depuis 2016. « Un modèle unique au monde, assure-t-il. De nos jours, il est impossible de se lancer dans la constitution d’une collection à partir de zéro. Cela réclamerait des sommes considérables pour un résultat incertain. Il nous a donc semblé beaucoup plus rationnel et respectueux des milieux publics de travailler avec cet immense réseau de collectionneurs qui pourraient être intéressés par notre projet artistique. »
Fort de ce constat, le Mo.Co entend célébrer des « visions du monde » non pas avec un défilé de collections prestigieuses mais en invitant « des gens qui opèrent sur des territoires périphériques, sur des sujets, voire des protocoles, pas forcément habituels, afin d’avoir un point de vue sur l’art ou sur l’époque », estime Nicolas Bourriaud. Cela ne devrait pas manquer avec le prochain accrochage, en octobre, dévolu à l’étonnante collection qu’a constituée l’historien d’art russe Andreï Erofeev dans les années 1990, dans l’optique de créer un musée public autour du Sots Art et des avant-gardes soviétiques des années 1980 à 2000.
Ouvrir la création au plus large public
La Panacée, c’est la deuxième tête de la « créature » Mo.Co. Un espace singulier de 1 000 m2, ancré dans le cœur historique de Montpellier, et qui a accueilli l’an passé quelque 120 000 visiteurs. Quel rôle joue-t-il dans la structure ? Il s’ouvre aux artistes émergents, sans s’interdire quelques incursions vers des créateurs plus « historiques », et invite d’autres disciplines, à commencer par la performance. Son architecture quadrangulaire, articulée autour d’un vaste patio, autorise la tenue de toutes sortes d’événements, tout comme son auditorium de près de 200 places.
« Tiber » (1987), de Lawrence Weiner, exposée au Mo.Co, à Montpellier. / SANDRA MEHL POUR « LE MONDE »
Voilà des années que La Panacée, ancienne école de médecine de la ville (d’où son nom), proposait des expositions. Mais Nicolas Bourriaud a clarifié son identité, au fur et à mesure que naissait le Mo.Co, et mis l’accent sur la médiation, avec un format d’accompagnement gratuit. Un signe parmi tant d’autres qu’il s’agit ici d’ouvrir la création au plus large public, comme c’est le cas avec l’exposition estivale intitulée « La Rue. Où le monde se crée », riche de mille questions sur ce lieu quotidien. Dès l’automne, trois jeunes artistes investiront le lieu : Astrid Lutz, Caroline Achaintre et Ambera Wellman, pour leur première monographie à toutes les trois. C’est l’axe principal de ce site : servir de laboratoire à des plasticiens guère confirmés en leur offrant leur première exposition. Plus tard, à l’été 2020, changement de génération avec une collaboration entre Betty Tompkins et Marilyn Minter, plus de soixante-dix printemps chacune.
La Panacée, c’est aussi l’une des ressources essentielles de l’Ecole supérieure des beaux-arts de la ville, troisième tête de l’« hydre ». Tous les artistes qui y exposent passent également dans les ateliers des étudiants, participent à des jurys blancs, à des workshops. Une façon de sortir de l’isolement cette école longtemps fermée sur elle-même, en l’arrimant à un lieu de production et d’exposition, comme cela peut être le cas au Portikus ou au Städel Museum de Francfort.
Mo.Co. Quatre lettres et trois piliers, donc, pour une même promesse. Inscrire Montpellier sur l’agenda des amateurs d’art contemporain.
Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Mo.Co.