Des chaussures peintes en rouge symbolisant des femmes victimes de violence domestique, de harcèlement, de viol, d’agression sexuelle ou de féminicide, ainsi que les noms et âges des victimes lors d’une manifestation près du palais de justice de Nantes à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre 2017. / DAMIEN MEYER / AFP

A Perpignan, dans la nuit du vendredi 5 au samedi 6 juillet, une femme de 32 ans a été tuée à l’arme blanche à son domicile. Selon les premiers éléments de l’enquête, elle serait morte lors d’une dispute, et son mari, suspecté de ce crime, est en garde à vue. Trois des quatre enfants du couple étaient présents dans l’appartement, selon le journal L’Indépendant. Deux jours plus tôt, jeudi 4 juillet, une femme de 20 ans, enceinte de trois mois, est morte frappée par son conjoint à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Le 27 juin, à Vaulx-en-Velin (Rhône), une femme de 29 ans a été tuée à coups de marteau par son mari, qui s’est ensuite pendu.

Il s’agit des trois dernières victimes de féminicide parmi les 73 dénombrées en France depuis le début de l’année, selon un collectif. Exigeant des mesures concrètes pour lutter contre les féminicides, le monde politique et la société civile sont montés au créneau ces derniers jours, par des pétitions, des tribunes ou des appels à la mobilisation. Un rassemblement est prévu samedi à Paris, à 17 heures, place de la République, à l’appel d’un collectif de familles et de proches de victimes de féminicides. « Nous ne nous tairons plus », assurent les signataires de l’appel, publié le 29 juin dans Le Parisien.

La parution de ce texte a été suivie de nombreuses réactions, à commencer par celle de la sénatrice socialiste Laurence Rossignol. L’ancienne ministre des droits des femmes de François Hollande a écrit lundi aux ministres de la justice et de l’intérieur pour demander une enquête administrative sur les féminicides survenus depuis le 1er janvier qui, « souvent », « auraient pu être évitées », selon elle.

« Non-assistance à femmes en danger »

Lundi également, le Haut Conseil à l’égalité (HCE, une instance consultative indépendante) s’était « porté volontaire » pour « identifier les parcours et les éventuels manquements qui ont conduit au meurtre » de ces femmes.

Mercredi, la comédienne Eva Darlan et le magistrat honoraire Luc Frémiot ont lancé une pétition sur la plate-forme change.org intitulée « Non assistance à femmes en danger », dans laquelle ils appellent également à une « enquête conjointe » des ministères de la justice et de l’intérieur. Le texte a recueilli plus de 5 300 signatures.

Youssef Badr, porte-parole du ministère de la justice, a reconnu, jeudi sur BFM-TV, un « vide juridique » concernant les personnes placées en garde à vue et remises en liberté sous contrôle judiciaire, mais a assuré que le ministère était « en train de finaliser » l’écriture d’un texte comblant ce vide.

Jeudi, c’était au tour d’un collectif féministe d’appeler, dans une tribune publiée dans Le Monde, à prendre « cinq mesures immédiates » pour lutter contre les féminicides. Les signataires appellent notamment à « donner la consigne ferme aux commissariats et gendarmeries qu’aucune femme victime de violence au sein du couple ne reste sans réponse » et à augmenter le nombre d’ordonnances de protection attribuées en France (1 300 par an actuellement, contre 20 000 en Espagne).

Vendredi, c’est dans Libération que plus de 150 sénateurs ont interpellé le gouvernement. « Où est la grande cause du quinquennat ? », demandent les signataires de ce texte, en référence au terme utilisé en novembre 2017 par Emmanuel Macron pour désigner l’égalité entre les femmes et les hommes. Les 150 parlementaires appellent à une plus grande utilisation des bracelets électroniques dits « antirapprochement » pour prévenir les féminicides, la création de places d’hébergement d’urgence et un meilleur accompagnement des associations qui luttent contre les violences faites aux femmes.

Soixante-treize décès depuis le 1er janvier 2019

Le secrétariat d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes a rappelé, vendredi dans un communiqué, les actions mises en place depuis le début du quinquennat, notamment le lancement d’une plate-forme de signalement en ligne et la loi dite « Schiappa », datée d’août 2018, « renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ». Dès lundi, Nicole Belloubet avait dit vouloir « généraliser » le bracelet électronique antirapprochement.

La page Facebook « Féminicides par compagnons ou ex » a recensé soixante-treize décès depuis le début de l’année 2019. Cent trente femmes sont mortes en 2017 en France tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, contre 123 en 2016, selon des données communiquées par le ministère de l’intérieur.

« Et les violences faites aux enfants ? », s’est interrogée, vendredi dans un communiqué, l’association La Voix de l’enfant, qui, tout en dénonçant les violences faites aux femmes, rappelle qu’« un enfant meurt tous les cinq jours de violences familiales en France », une réalité qui, déplore-t-elle, « ne fait pas l’objet de la même attention de la part des médias ». En 2017, 25 enfants ont été tués dans le cadre de violences conjugales, selon le ministère de l’intérieur.