Attentats : les associations de victimes réclament un changement dans la politique d’indemnisation
Attentats : les associations de victimes réclament un changement dans la politique d’indemnisation
Par Daniel Psenny
Les premières aides financières seront versées « dès la fin de la semaine », selon le secrétariat d’Etat chargé de l’aide aux victimes. De leur côté, les associations demandent plus d’efficacité.
Juliette Méadel, la secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes, le 28 juin. | GEORGES GOBET / AFP
La mécanique s’est remise en marche. Avec l’attentat du 14 juillet à Nice, dans lequel 84 personnes sont mortes, plus de deux cents ont été blessées, et des milliers se trouvent en état de choc, le Fonds de garantie des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), l’organisme chargé de prendre en charge financièrement les victimes, va devoir gérer rapidement ce nouveau dossier.
Il s’ajoute à ceux (toujours en cours) de l’attaque de Charlie Hebdo (12 morts) et de l’Hyper Cacher (4 morts), en janvier 2015, et à la soirée tragique du 13 novembre 2015 à Saint-Denis et Paris (130 morts dont 90 dans la salle du Bataclan). En tout, plus de deux cents morts et des milliers de personnes blessées ou choquées ont été recensées au cours de ces derniers dix-huit mois.
Selon le FGTI, au 1er juillet, 2 600 dossiers d’indemnisation ont été ouverts et 37 millions d’euros ont été versés aux victimes et familles de victimes des attentats du 13-Novembre pour leur permettre d’effectuer les premières démarches médicales et administratives.
Une réserve de 1,3 milliard d’euros
Ce chiffre devrait s’accroître après le recensement des victimes de la tragédie niçoise et leur prise en charge. Un travail qui risque d’être très long et compliqué. On estime que 30 000 personnes étaient présentes, le 14 juillet, sur la promenade des Anglais, pour le feu d’artifice. Elles devront toutefois fournir une preuve de leur présence pour prétendre à une prise en charge.
Jointe par Le Monde, Juliette Méadel, la secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes, se veut rassurante. Elle affirme que « les premières provisions financières pour aider les familles des victimes seront versées dès la fin de la semaine » et que « l’Etat sera toujours présent » pour les paiements, s’il devait y avoir une défaillance.
Les charges liées au terrorisme pour cet organisme ont été multipliées par cent en 2015 et les attentats fragilisent encore ses ressources. Mme Méadel précise que le FGTI possède 1,3 milliard d’euros de réserve, de laquelle n’ont pas encore été prélevées les sommes nécessaires à l’indemnisation des victimes de 2015. Ces indemnisations se chiffreraient entre 350 millions et 600 millions d’euros, selon les sources.
« Définir juridiquement ce qu’est une victime du terrorisme »
Cette déclaration sur la rapidité des indemnisations a surpris les associations qui se sont créées après les attentats du 13-Novembre. Nombre de leurs membres ont rencontré beaucoup de difficultés pour constituer un dossier d’indemnisation. Dans le formulaire à remplir, le FGTI demandait, par exemple, si la victime connaissait l’adresse du terroriste… Cette question a désormais été supprimée.
« L’attentat de Nice appelle à définir juridiquement ce qu’est une victime du terrorisme », précise Emmanuel Domenach, vice-président de l’association 13 novembre : fraternité et vérité. Il souhaite même que la politique d’indemnisation des victimes du terrorisme « change de braquet » dans ses pratiques administratives et humaines.
« Le FGTI fonctionne comme à une époque lointaine où seulement une cinquantaine de Français étaient victimes d’attentats, poursuit M. Domenach. Il faut que le secrétariat d’Etat chargé de l’aide aux victimes soit doté de véritables moyens financiers, avec du personnel adéquat », souligne-t-il, considérant que l’annonce de Mme Méadel « cache la misère ».
« Il faut faire attention avec ce genre de déclaration, car cela peut choquer. Les mots ont leur importance, renchérit Stéphane Gicquel, le secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac), membre du conseil d’administration du FGTI. La prise en charge des victimes ne se réduit pas à l’indemnisation et il vaudrait mieux parler d’une aide financière. Il faut donner du sens à cet apport d’argent. »
Stéphane Gicquel, le secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac), membre du conseil d’administration du FGTI, avec Juliette Méadel, la secrétaire d’Etat chargée de l’aide aux victimes, le 28 juin 2016. | GEORGES GOBET / AFP
Un long processus
Reste que le processus d’indemnisation risque d’être long car pour chacune des victimes il faudra attendre la consolidation de leur état de santé physique et psychique pour évaluer la somme que leur proposera le FGTI.
Dans un entretien au Monde, daté du 11 avril, François Werner, directeur du FGTI, prévenait qu’en cas d’une nouvelle attaque terroriste « d’une ampleur exceptionnelle », l’organisme pourrait « déclencher une augmentation temporaire des cotisations », qui serait accompagnée d’une « contribution de l’Etat ».
Pour le moment, l’annonce n’a pas été faite. Le montant de la contribution prélevée sur les contrats d’assurance s’élève aujourd’hui à 3,30 euros, avec un plafond d’augmentation à 6,50 euros.