Mondiaux d’athlétisme : un « Viking » champion du monde et le show Makwala
Mondiaux d’athlétisme : un « Viking » champion du monde et le show Makwala
Par Yann Bouchez, Anthony Hernandez
Le jeune Norvégien de 21 ans, Karsten Warholm, a remporté à la surprise générale le 400 m haies mercredi à Londres. Repêché, Isaac Makwala a couru deux fois pour atteindre la finale du 200 m.
Karsten Warholm est aux anges : il est champion du monde du 400 m haies à seulement 21 ans. / Matthias Schrader / AP
Pas de médaille française mercredi 9 août lors des Mondiaux de Londres, mais l’inattendu s’invita tout de même à plusieurs reprises sur la piste londonienne. Un Norvégien de 21 ans a gagné le titre sur 400 m haies, une Américaine en a chassé une autre sur 400 m et un Botswanais a couru seul sa série du 200 m avant de se qualifier quelques minutes plus tard pour la finale en prenant la deuxième place de sa demi-finale. Côté tricolore, Quentin Bigot s’est qualifié pour la finale du marteau. Un seul lancer lui aura suffi.
La perf
« Thank you London ! ». Il n’est pas encore une star mais le Norvégien Karsten Warholm en a déjà les réflexes lorsqu’il remercie le public londonien au micro du speaker du stade olympique. Avant d’entamer un tour d’honneur, casque de Viking à cornes sur la tête. À 21 ans, pour sa deuxième grande compétition, Warholm a réussi l’exploit de remporter son premier grand titre sur 400 m haies. Une épreuve pour masochiste, qui combine la difficulté d’une course à obstacles et la dureté du tour de piste.
L’ancien décathlonien, qui s’est spécialisé depuis très peu de temps, a devancé en 48 s 35 le Turc Yasmani Copello (48 s 49) et surtout l’Américain Kerron Clement (48 s 52), excusez du peu, un sacré client, double champion olympique (400 m haies et 4 x 400 m) et quadruple champion du monde (400 m haies et 4 x 400 m).
À domicile, lors du meeting d’Oslo le 15 juin dernier, Warholm avait déjà remporté l’étape de la Diamond league de Clement. Son exploit avait fait la une des journaux norvégiens. « Je sais que si je cours à mon meilleur niveau je peux rivaliser avec les meilleurs. Je suis un peu fatigué mais cela me donne de l’espoir pour la suite », avait déclaré Warholm après cette victoire.
Sur la piste détrempée de Londres, le Norvégien a fait mieux qu’espérer. Il a maîtrisé en patron sa course après un départ en boulet de canon, en résistant jusqu’à la ligne d’arrivée. La Norvège tient sa nouvelle star.
C’est (vite) vu
Quentin Bigot s’est facilement qualifié pour la finale du lancer du marteau. / KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP
L’opération rachat de Quentin Bigot, suspendu quatre ans pour dopage en 2014, dont deux avec sursis, est en bonne voie. L’ex-« Mozart du marteau » s’est qualifié avec une grande aisance pour la finale qui aura lieu vendredi 11 août. Un seul jet à 76,11 m a suffi pour le lanceur de 24 ans. « La qualification a été assez facile. Elle devait l’être. Maintenant, je dois rester concentré. »
Mohamed Sambe a terminé trempé et bon dernier de sa série du 5 000 m mais sous les acclamations de la foule. / Martin Meissner / AP
Il a fini bon dernier, avec plus de deux tours de piste de retard sur les premiers concurrents. Rincé par la pluie, dans son short qui faisait plus penser à un joueur de basket qu’à un spécialiste du 5 000 mètres. Et pourtant, Mohamed Sambe a reçu une ovation comparable à celle de Mo Farah. Personne ou presque ne connaît ce Mauritanien, mais il y avait quelque chose de réjouissant à le voir participer à la même course que les cadors de la planète.
La Chinoise Lijiao Gong est championne du monde du lancer du poids. / KAI PFAFFENBACH / REUTERS
Sonnées par la Gong. Les adversaires de Lijiao Gong n’ont rien pu faire face à la puissance de la Chinoise. Longtemps dans l’ombre de la Néo-Zélandaise Valerie Adams, double championne olympique et quadruple championne du monde, absente à Londres pour cause de congé maternité, Gong remporte son premier grand titre international. Elle avait jusqu’alors collectionné les podiums : une médaille d’argent et une médaille de bronze aux JO, une médaille d’argent et deux médailles de bronze lors des Mondiaux. La Hongroise Anita Marton a pris la deuxième place devant l’Américaine Michelle Carter.
Enorme sensation sur le tour de piste. L’Américaine Phyllis Francis est championne du monde. / PHIL NOBLE / REUTERS
On attendait Allyson Felix ou Shaunae Miller, on a eu Phyllis Francis. L’Américaine a surpris son monde pour remporter son premier grand titre en individuel (49 s 92). Elle a battu sur le fil la jeune Bahreïnie Naser (50 s 06), revenue comme une balle après un départ médiocre, et relégué sa camarade de relais 4 x 400 m, Felix, à la troisième place (50 s 08). La championne olympique en titre, la Bahaméenne Shaunae Miller, ne prend que la quatrième place. Et n’a pas plongé, cette fois-ci, malgré l’invitation que représentait la piste détrempée.
Zone mixte
Isaac Makwala répond aux journalistes en zone mixte après sa demi-finale du 200 m.
« Parlons de ce qui vient d’arriver. Je suis très content d’avoir couru. C’est tout ce que je peux dire maintenant. Je n’avais rien à prouver, je savais que j’étais en forme. Je crois en moi. »
Mercredi soir dans la zone mixte, tous les micros se sont tournés vers Isaac Makwala, qui s’est montré peu loquace. Tout juste avait-il admis, quelques instants plus tôt : « Je cours avec colère. » Depuis quelques jours, le Botswanais est au cœur d’une histoire assez rocambolesque. Favori du 400 m avec le Sud-Africain Wayde Van Niekerk, il a été empêché par l’IAAF, à cause d’une épidémie de gastro-entérite à son hôtel, de participer à la finale pour laquelle il s’était qualifié.
Interdit à nouveau de séries du 200 m lundi, il a été libéré de sa mise en quarantaine et repêché pour courir… tout seul ! Ubuesque. Il lui fallait réaliser un chrono inférieur à 20 s 53 pour se qualifier pour les demi-finales, ce qui fut largement fait (20 s 20) sous les applaudissements nourris du stade olympique de Londres. Pour montrer à quel point il était facile, Makwala réalisa une dizaine de pompes une fois la ligne d’arrivée franchie, avant de se fendre d’un salut militaire devant des spectateurs hilares et ravis.
Quelques heures après, il remettait le couvert avec autant d’appétit en demi-finales. Couloir 1, le moins favorable, sous la pluie, il a terminé deuxième et s’est même permis cette fois-ci de lever le bras droit juste avant la ligne d’arrivée.
Parmi les autres athlètes à l’arrivée, tous se réjouissaient de sa présence. Ou presque. L’Américain Ameer Webb, qualifié pour la finale, se disait « content pour l’athlète ». Avant d’apporter un net bémol : « Mais moi aussi j’aurais voulu pouvoir courir un tour préliminaire en sachant que je devais courir en dessous de 20 s 50. C’est un peu injuste. C’est un peu un avantage, il était tout seul, je peux courir ces temps aussi. » Pas sûr que Makwala partage cet avis. Mais il a décidé, avec la délégation botswanaise, d’adopter un profil bas, au moins jusqu’à l’issue de la finale, jeudi.
Non-qualifié pour deux malheureux centièmes de seconde, le Français Christophe Lemaitre était plutôt impressionné par « le contexte » autour de Makwala. « Courir la série tout seul, puis ensuite la demi-finale et se qualifier : c’est sûr, il va être l’un des favoris. C’est assez incroyable. »
Les podiums du jour
Lancer du poids féminin : 1. Lijiao Gong (Chine) 2. Anita Marton (Hongrie) 3. Michelle Carter (États-Unis)
400 m haies masculin : 1. Karsten Warholm (Norvège) 2. Yasmani Copello (Turquie) 3. Kerron Clement (Etats-Unis)
400 m féminin : 1. Phyllis Francis (Etats-Unis) 2. Salwa Eid Naser (Bahreïn) 3. Allyson Felix (Etats-Unis)
Les prochaines finales (jeudi 10 août)
21 h 20 : finale du triple saut masculin
22 h 35 : finale du 400 m haies féminin
22 h 52 : finale du 200 m masculin