Le Women 7 livre ses recommandations pour un G7 « réellement féministe »
Le Women 7 livre ses recommandations pour un G7 « réellement féministe »
Par Noura Doukhi
Le mouvement W7, réuni à Paris jeudi 9 mai, préconise d’accroître le financement des associations féministes et de favoriser la participation des femmes aux décisions politiques.
La secrétaire d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, et la ministre du genre et de la famille rwandaise, Solina Nyirahabimana, le 9 mai 2019 en amont du G7 de Biarritz. / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Plus de 400 associations féministes du monde entier se sont réunies jeudi 9 mai à Paris, lors du troisième sommet du mouvement Women 7 (W7) à l’Unesco, afin d’émettre des recommandations sur l’égalité femmes-hommes aux chefs d’Etat du groupe des sept pays les plus industrialisés (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Italie et Japon), avant le sommet qui se tiendra à Biarritz du 25 au 27 août.
« Le G7 seul ne changera pas le monde, mais un G7 réellement féministe peut apporter une pierre importante à l’édifice », a déclaré dans un communiqué le W7, mouvement d’organisations féministes fondé en 2017 lors du sommet du G7 en Italie. Lors de sa grande rencontre annuelle jeudi, le W7 a fixé deux priorités : l’augmentation des ressources financières dédiées aux associations féministes au niveau local, national et international et la participation des femmes aux décisions politiques de leur pays et des instances internationales comme le G7.
Les associations françaises Equipop et CARE France, qui pilotaient le sommet de jeudi, ont demandé au gouvernement français d’allouer un fonds de 120 millions d’euros aux associations féministes, en particulier aux organisations locales des pays du Sud. Le gouvernement a accepté d’octroyer cette somme, mais demande qu’elle transite par l’Agence française de développement (AFD). « Nous saluons l’attribution de ce montant, mais il demande un accompagnement spécifique. Or, l’AFD n’a pas le niveau de technicité pour s’assurer que les fonds parviennent aux associations en bout de chaîne », regrette Nicolas Rainaud, responsable plaidoyer France et international d’Equipop.
« Manque de financement »
Une vision partagée par Hadja Idrissa Bah, fondatrice en 2016 du Club des jeunes filles leaders de Guinée : « Nous avons un manque de financement énorme. Or il est essentiel d’investir auprès des organisations qui ont la légitimité et l’expertise du terrain. Nous faisons face aux mariages d’enfants, aux viols conjugaux et aux mutilations génitales au quotidien. Sans les fonds suffisants, nous ne serons pas capables d’assurer la pérennité de ces combats. »
L’autre enjeu majeur du W7 est la participation des femmes au sein des instances de décisions dans le monde. Celle-ci doit tenir compte de la diversité des femmes. « Les associations féministes ne sont pas conviées autour de la table lors des discussions du G7, dénonce Mme Idrissa Bah. Nous ne savons pas ce qui se passe dans notre dos. Ma venue ne doit pas seulement servir à montrer que les jeunes originaires des pays du Sud sont présents. Il faut qu’elle ait un réel impact sur les prises de décisions. »
Quatre autres thématiques ont guidé les recommandations élaborées par le W7 : le développement et la mise en œuvre des politiques nationales et une politique étrangère féministes, l’émancipation des adolescentes et des femmes en matière de santé, d’éducation et de lutte contre les violences, l’autonomisation économique des femmes et le suivi de l’ensemble des engagements du G7 relatifs à l’égalité de genre.
L’accent a également été mis sur les pays en développement, en particulier d’Afrique, où les violences sexistes et sexuelles sont particulièrement nombreuses.
Euphrasie Coulibaly, jeune militante ivoirienne présente au W7, a été excisée dans son pays à 5 ans : « Ma tante m’a emmenée loin de chez moi en prétextant un départ en vacances. Lorsque j’ai compris ce qui se passait, j’ai fui mais elle m’a rattrapée. J’ai compris plus tard que mes parents étaient au courant. » Cet acte, près de 30 à 40 % des femmes ivoiriennes l’ont subi. Aujourd’hui âgée de 27 ans, Mme Coulibaly préside le Réseau des jeunes ambassadeurs pour la santé de la reproduction et la planification familiale en Côte d’Ivoire. Elle lutte notamment pour l’accès des jeunes filles à la contraception et contre les grossesses précoces en Afrique de l’Ouest.
Hadja Idrissa Bah a été excisée en Guinée il y a près de dix ans. Un traumatisme encore bien présent dans son esprit. Avec son Club des jeunes filles leaders de Guinée, elle lutte notamment contre cette pratique. « Dès que nous voyons des femmes procéder à des excisions dans la rue, nous nous interposons pour les empêcher d’agir. On nous appelle les rebelles », s’enorgueillit-elle.
Son association agit également contre les mariages forcés. « Nous avons empêché une vingtaine de cas sur des filles âgées de 12 à 17 ans », explique-t-elle. « Je suis connue sous le nom de “la fille à foulard briseuse de mariages”, mais rien ne pourra m’arrêter », martèle la jeune femme. En parallèle, l’association mène des actions de prévention auprès des jeunes filles et de leurs parents pour alerter sur les mariages d’enfants et les grossesses précoces.
Un enjeu non « pris au sérieux »
L’ensemble des recommandations élaborées par le W7 a officiellement été remis à Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat française chargée de l’égalité entre les sexes, à l’issue de la journée. Cette dernière proposera en août à Biarritz aux dirigeants du G7, présidé cette année par la France, un bouquet législatif des meilleures lois existantes dans le monde sur l’égalité femmes-hommes. Elle s’appuiera notamment pour cela sur les recommandations du Conseil consultatif, créé il y a un an au Canada lorsque celui-ci présidait le G7, et constitué d’une trentaine d’experts et de personnalités de la société civile internationale. Les chefs d’Etat du G7 devront s’engager à adopter au moins une de ces mesures.
Invité à se rendre au W7, Emmanuel Macron était le grand absent du sommet. « Il y a un an, [le premier ministre canadien] Justin Trudeau avait participé au Women 7 Summit en amont du G7 canadien, rappelle Sophie Chassot, chargée de plaidoyer droits des femmes à CARE France. L’absence d’Emmanuel Macron aujourd’hui prouve que l’enjeu de l’égalité femmes-hommes n’est pas pris au sérieux, alors même que la France dit vouloir placer ce sujet au cœur de ses priorités. »
Pour l’heure, Marlène Schiappa présidait vendredi 10 mai la seconde réunion des ministres du G7 pour l’égalité femmes-hommes à Paris et à Bondy. Elle devait accueillir ses homologues du G7 ainsi que les représentants de six pays : l’Argentine, le Burkina Faso, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Rwanda et la Tunisie.