Festival de Cannes 2019, jour 4 : la Croisette ausculte les maux du monde
Festival de Cannes 2019, jour 4 : la Croisette ausculte les maux du monde
Fabrice Luchini incarne un homme politique à bout de souffle dans « Alice et le maire », présenté à la Quinzaine des réalisateurs, tandis que « For Sama » et « 5B » évoquent respectivement la guerre en Syrie et le début des années sida aux Etats-Unis.
Week-end chargé pour les festivaliers. Ça tombe bien, il pleut, un temps parfait pour le cinéma. Un temps aussi pour aller découvrir deux nouveaux films en compétition : Le Lac aux oies sauvages du Chinois Diao Yinan et Les Siffleurs du Roumain Corneliu Porumboiu.
Diao Yinan, 49 ans, cinéaste chinois, arrive en quatre coups à la compétition cannoise, pour y placer son nouveau film. Premier mouvement : Uniforme, qu’on découvre en 2003 au Festival de Vancouver. Deuxième mouvement : Train de nuit, présenté en 2007 à Cannes, à Un certain regard. Troisième mouvement : Black Coal, qui lui vaut en 2014 l’Ours d’or à la Berlinale. Diplômé de l’Académie centrale d’art dramatique de Pékin, il a entamé sa carrière comme scénariste aux côtés du virevoltant Zhang Yang (Spicy Love Soup en 1997 ; Shower en 1999). Et comme acteur en 2003, dans All Tomorrow’s Parties, de Yu Lik-wai, en même temps que réalisateur, puisqu’il signe la même année son premier long-métrage.
Habitué des sections parallèles, le cinéaste roumain Corneliu Porumboiu concourt, enfin, pour la Palme d’or cette année, avec Les Siffleurs. Il était temps. Il fut en effet, en ces mêmes lieux, un des pionniers de cette équipée roumaine puisant dans les trésors infinis de l’humour fatidique national les ressources d’un réalisme confinant à la surréalité.
Ce samedi, c’est aussi le jour pour découvrir, à la Quinzaine des réalisateurs, le nouveau film de Nicolas Pariser, Alice et le maire avec Anaïs Demoustier en coach mentale chargée de redonner des idées à un homme politique à bout de souffle (Fabrice Luchini), maire de Lyon et décidé à partir aux combats des présidentielles. une œuvre précieuse, un conte rohmérien dans l’arène politique.
De la politique, il en est aussi question avec le documentaire Que Sea ley (« Que ce soit légal ») de l’Argentin Juan Solanas, sur le droit à l’avortement en Argentine après le rejet en août 2018 d’un projet de loi visant à légaliser l’interruption volontaire de grossesse. « Ça me rend fou, j’ai honte que l’avortement soit toujours illégal en Argentine !, s’indigne Juan Solanas lors d’un entretien à Paris avant la projection de son documentaire, samedi 18 mai au Festival de Cannes (en séance spéciale). Comment ce pays si lumineux, qui a des lois si progressistes en matière LGBT, avec le mariage pour tous légal depuis 2010, est-il capable d’autant d’obscurité en ce qui concerne le droit des femmes à décider ? »
Deux autres films auscultent les plaies du monde : For Sama et 5B, en Syrie et aux Etats-Unis, deux documentaires hantés par le deuil, l’un sur les bombardements à Alep, l’autre sur le sida à San Francisco.
Edward Watts et Waad Al-Kateab ont réalisé le documentaire « For Sama ». / PAOLO VERZONE / AGENCE VU POUR « LE MONDE »
Et puis Cannes, ce sont aussi des métiers que l’on ne connaît pas ou que l’on remarque moins sur le tapis rouge. Ainsi celui de producteur, à l’image de Philippe Bober qui produit Little Joe, de Jessica Hausner. Il faut traverser le vaste Marché du film – lequel occupe le sous-sol et l’arrière du Palais des festivals – pour le retrouver sur le petit stand de Coproduction Office, sa société de vente de films à l’international sur laquelle repose sa maison de production, Essential Films. Comment il voit son métier : « Ce n’est pas possible de mettre un grand réalisateur dans un système carré. On ne peut pas faire entrer Lars von Trier dans un tableau Excel. »