Les chibanis retraités peuvent être soignés en France où qu’ils vivent
Les chibanis retraités peuvent être soignés en France où qu’ils vivent
Par Anahit Miridzhanian
Depuis le 1er juillet, les travailleurs immigrés maghrébins arrivés en France durant les Trente Glorieuses retrouvent leurs droits à la Sécurité sociale française.
Conférence de presse au Parlement le 23 juillet 2019 avec Salem Fkire, président de l’association franco-marocaine Cap Sud MRE, et les députés (LMR) Olivier Véran, Fiona Lazaar, Michèle de Vaucouleurs (Modem) et Mustapha Laabid. / Anahit Miridzhanian
Nouveau droit pour les chibanis. A compter du 1er juillet, les travailleurs maghrébins, arrivés en France pendant les Trente Glorieuses (1946-1975), peuvent rentrer au pays en continuant à bénéficier de leurs droits à la Sécurité sociale dans l’Hexagone. Une instruction officielle du ministère de la santé a rendu ce droit aux 300 000 chibanis (« cheveux blancs » en arabe). Ces derniers, qu’ils aient cotisé toute leur vie professionnelle ici ou qu’ils soient pensionnés dans deux pays, ne devront plus justifier d’une résidence en France pour s’y faire soigner.
Chibanis, les travailleurs oubliés des Trente Glorieuses
Durée : 05:52
« Cela fait huit ans qu’on se bat pour nos parents », a réagi avec beaucoup d’émotion Salem Fkire, président de l’association franco-marocaine Cap Sud MRE. Ce fils de chibani estime juste rétablir « une équité de droit ». « C’était bien une injustice ! », a insisté pour sa part la députée LRM Fiona Lazaar, qui a travaillé sur ce dossier avec d’autres collègues pendant un an pour que les étrangers qui ont travaillé seulement en France ou dans deux pays avec au moins quinze années cotisées en France voient leur droit à la santé reconnu durant la retraite. « Les ouvriers maghrébins ont cotisé de la même manière que les ouvriers français, mais comme ils sont étrangers, on les traitait différemment », regrette la députée du Val-d’Oise.
« Très grande précarité »
Jusqu’à ce jour, les chibanis en retraite étaient en effet obligés de faire des allers et retours entre la France et leur pays d’origine pour ne pas perdre leur droit à la Sécurité sociale ici, et devaient fournir des preuves de leur présence sur le territoire français six mois et un jour par an. Faute de moyens pour prendre l’avion, une partie d’entre eux renonçaient même à leur vie familiale. Un sacrifice d’autant plus difficile que, comme le rappelle le député LRM Mustapha Laabid, ces anciens ouvriers « vivaient souvent ici dans des foyers d’une très grande précarité ». Ces gens ont beaucoup souffert alors qu’ils ont « œuvré pour notre pays, pour nos industries quand la France en avait besoin », rappelle aussi la députée Fiona Lazaar.
C’est en août 2018, que l’association franco-marocaine Cap Sud MRE sollicite les députés de l’Assemblée nationale pour travailler sur cette question et interpeller la ministre de la santé, Agnès Buzyn. Après plusieurs mois de négociations avec le gouvernement, un amendement concernant les « bi-pensionnaires » est inscrit dans la loi. Ce document permet d’étendre la prise en charge des frais de santé des étrangers en retraite qui ont cotisé dans deux pays, en France au moins quinze ans et dans leur nation d’origine. La ministre a par ailleurs rédigé une circulaire qui informe toutes les administrations de ce dispositif.
Mais le combat pour les droits des chibanis est loin d’être terminé. Reste le cas des bénéficiaires de l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA) qui doivent encore prouver qu’ils passent bien plus de six mois en France pour pouvoir en bénéficier.