Documentaire sur Arte à 20 h 50

Les gangsters de la finance - bande-annonce - ARTE
Durée : 00:31

Il y a cinq ans, Jérôme Fritel et Marc Roche (ancien correspondant du Monde à la City de Londres) avaient décor­tiqué dans un documentaire remarqué le fonctionnement de Goldman Sachs, établissement bancaire symbole d’un système financier sophistiqué autant que d’un capitalisme en pleine tourmente. Cette fois, le duo d’enquêteurs livre un film sur un établissement bancaire sortant lui aussi de l’ordinaire.

Encore mieux qu’un polar haletant, bénéficiant d’une réalisation soignée, de mises en perspective éclairantes à Londres, Hongkong, New York, Paris, Genève ou Pékin et d’un impressionnant panel de témoins, ce documentaire évoque, entre autres joyeusetés, des pirates, des gangsters en costume-cravate, des pressions au plus haut sommet du gouvernement britannique, des menaces chinoises, des manipulations de devises à grande échelle, de l’argent très sale mais bien blanchi, des comptes cachés.

Avec la Hongkong and Shanghai Banking Corporation (HSBC), on entre dans une autre dimension qu’avec la discrète Goldman Sachs. Banque mondiale aux 300 000 collaborateurs, présente dans plus d’une centaine de pays, ouverte au grand public comme aux fortunes les plus secrètes, HSBC fait la loi. Sa loi. Celle d’une banque dont la surface financière, estimée à 3 000 milliards de dollars (2 554 milliards d’euros), en fait la cinquième puissance économique mondiale.

De tous les scandales, la banque HSBC est devenue le prototype par excellence des « Banksters ». / © MAGNETO PRESSE

Et lorsque des scandales de grande ampleur du type « Panama Papers » ou SwissLeaks la rattrapent, la banque, fondée en 1865 à Hongkong par des commerçants écossais impliqués dans le trafic d’opium, devenue la plus puissante de la planète, too big to jail (« trop grosse pour être condam­née »), s’en sort avec des amendes ridicules en regard des malversations commises. Deux milliards de dollars en 2012 par la justice américaine (le petit prix à payer pour garder sa précieuse licence, l’équivalent d’un mois de profits !) ; 300 millions d’euros en ­novembre 2016 par la justice française (évitant à la filiale suisse de HSBC un procès pour blanchiment de fraude fiscale).

Avidité et cynisme

Bien construit, découpé en plusieurs chapitres éclairants, ce documentaire est passionnant de bout en bout. Mais le plus étonnant est sans doute le dernier ­volet consacré au rôle fondamental tenu par HSBC dans la stratégie agressive de la Chine en matière d’expansion économique. On y apprend, par exemple, comment George Osborne, ministre britannique de l’économie, fait pression pour favoriser l’arrivée de capitaux chinois à travers ses amis de HSBC. Car la banque est parfaitement positionnée pour s’occuper des sommes colossales placées dans les fonds chinois. Son histoire, son implantation à Hongkong font qu’aucune autre grande banque sophistiquée ne connaît mieux le marché chinois qu’elle.

« Contrairement aux banques américaines qui quittent les lieux lorsque la situation est instable, nous, nous restons ! », souligne avec une pointe d’ironie un témoin qui rappelle que même sous Mao, HSBC gardait une présence en Chine. Les banquiers de HSBC, hommes de main des Chinois ? « La Chine a les moyens de ses ambitions. Elle entend imposer sa propre devise, le yuan, dans la cour des grands et détrôner le dollar. Elle a une vingtaine d’années pour atteindre cet objectif », résume Marc Roche. Pour y parvenir, elle peut visiblement compter sur l’expertise, l’avidité et le cynisme de ses amis de HSBC.

Les Gangsters de la finance, de Jérôme Fritel et Marc Roche (France, 2017, 90 min).