L’Eglise de Santa Cruz et la cathédral de Cadix, en Andalousie. Cadix s’est valorisé de 10 % en 2018, mais les tarifs y restent très abordables. / Neil Farrin/robertharding / Photononstop

Après cinq années de flambée immobilière, l’Espagne n’est plus un pays si bon marché. En 2018, les prix y ont augmenté de 6,6 % en moyenne, après une hausse de 7,2 % en 2017 selon l’INE, l’Institut de statistiques en Espagne. Une inflation étroitement liée au redressement de l’économie ibérique.

Si l’on met de côté le nombre élevé de contrats précaires et de travailleurs pauvres, l’Espagne va bien : après un taux de 2,6 % en 2018 et de 3,1 % en 2017, la croissance devrait ressortir à 2,2 % en 2019, le plus fort taux des grands pays européens. Le taux de chômage, qui culminait à 26 % en 2013, est retombé à 13 % en juin 2019, le repli le plus spectaculaire en zone euro. L’été dernier, la fréquentation touristique a battu des records. Le pays, il est vrai, revient de loin.

Carrefour des rues Alcala and Gran Via, à Madrid. En 2018, les prix ont bondi de 15 % en moyenne dans la capitale espagnole. / Roberto Moiola/robertharding

Entre 2007 et 2013, au plus fort de la crise immobilière, les prix ont été divisés par deux. Depuis, ils remontent à vitesse grand V, mais ils restent inférieurs à leur sommet dans la plupart des régions et des villes. Les exceptions : les centres de Barcelone et de Madrid, Marbella sur la Costa del Sol et les îles les plus touristiques comme Ibiza et Palma de Majorque dans les Baléares.

Les prix de Valence, Séville, Cadix et Alicante sont encore inférieurs de 20 % à 30 % à leur pic, tandis que les périphéries de Madrid et de Barcelone affichent toujours un retrait d’environ 15 %. La province de Barcelone est désormais moins chère que la Communauté de Madrid.

Le carrefour Callao, à Madrid. / Paolo Giocoso/Sime / Photononstop

En 2018, les prix ont bondi de 15 % en moyenne dans la capitale espagnole, mais ils n’ont augmenté que de 2 % chez sa rivale catalane en raison des incertitudes liées au mouvement indépendantiste. « Tant que cette épée de Damoclès existera, elle freinera la hausse des prix à Barcelone », déclare Adeline d’Avout, directrice marketing chez Athena Advisers.

Dans certains quartiers, des baisses de prix importantes ont été observées. C’est le cas à Eixample, quartier central de Barcelone, où les prix ont reculé : il y a deux ans, ils ne descendaient pas sous les 5 000 euros/m², aujourd’hui on y trouve des biens à 4 000 euros/m².

Sur ses grandes avenues, on peut trouver de grands appartements du XIXe siècle, avec une belle hauteur sous plafond, pour 5 000 à 8 000 euros du m². Parmi les quartiers qui montent, Poble-Sec (« village sec » en catalan), près de la mer, séduit les étrangers par ses théâtres, ses bars à tapas et ses places ombragées. Et les lofts fleurissent à Poblenou (« Le nouveau village »), un ancien quartier industriel en pleine mutation.

En Catalogne, la fièvre indépendantiste pèse sur les prix

A Barcelone, le résultat des élections municipales et européennes du 26 mai a été scruté par les investisseurs, notamment dans l’immobilier. En effet, il pourrait entraîner une baisse des prix de l’immobilier : lors des élections municipales du printemps, ERC, l’un des deux grands partis indépendantistes catalans, est arrivé en tête à Barcelone mais la mairie a été conservée de justesse par Podemos (avec l’appui du Parti Socialiste et grâce aux votes du parti de Manuel Valls), et les partis indépendantistes ont obtenu 49,7 % des voix lors des élections européennes en Catalogne alors qu’ils étaient minoritaires en voix aux deux dernières élections régionales de septembre 2015 et décembre 2017.

Vue de Barcelona avec la tour Agbar en arrière-plan.  En Catalogne, le succès des indépendantiste pèse sur les prix de l’immobilier. / Jean Desy/Design Pics / Photononstop

Ces derniers succès des nationalistes catalans relancent les incertitudes sur l’avenir de la Catalogne. Ce qui voudra dire moins d’investissements étrangers en Catalogne, et en particulier à Barcelone, et plus d’investissements étrangers dans les autres régions espagnoles, et notamment à Valence, la troisième ville du pays. « Les prix pourraient baisser dans la capitale catalane, au moins dans le moyen et le haut de gamme », conclut Patrick Crosset, fondateur du site Acheterenespagne.fr.

« C’est plus au sud que se situent actuellement les meilleures opportunités », poursuit M. Crosset. Les Français, réputés pour s’intéresser surtout à la Catalogne, commencent à découvrir la région de Valence et l’Andalousie.

Cadix, par exemple, s’est valorisé de 10 % l’an dernier, mais les tarifs y restent très abordables. Une jolie villa dans la banlieue de Séville ne vaut pas plus de 2 000 euros par m². A Algésiras, en face de Gibraltar, il est encore possible d’acheter à moins de 1 000 euros du m². Bien sûr, il ne s’agit pas de biens donnant directement sur les plages, qui sont nettement plus chers.

Détail important : l’impôt sur les droits de succession a été supprimé début 2019 en Andalousie, il l’était déjà dans six autres communautés : la Communauté de Madrid, Les îles Canaries, la Cantabrie, l’Estrémadure, Murcie et La Rioja.

La Cité des arts et des sciences, à Valence, oeuvre de l’architecte espagnol Santiago Calatrava. / Calle Montes / Photononstop / Calle Montes / Photononstop

La crise du système bancaire ayant été très profonde et les ménages espagnols étant très endettés, ce sont les achats étrangers qui ont permis le redémarrage du marché immobilier. En 2018, 110 000 logements ont été achetés par des étrangers, soit 10 % de plus qu’en 2017, qui avait déjà été une année record, et c’est surtout trois fois plus qu’il y a dix ans ! Selon le Quai d’Orsay, 85 121 Français vivaient en Espagne en 2017.

Désormais, les Espagnols recommencent à acheter. Mais ils se heurtent à des conditions d’emprunt particulièrement exigeantes. « Pour obtenir un crédit hypothécaire en Espagne, il faut apporter au moins 30 % du montant de l’acquisition en fonds propres. Comme l’ensemble des droits, taxes et charges sur l’acquisition représentent jusqu’à 15 % de ce montant, c’est en réalité 45 % du coût final qu’il faut être capable d’apporter ! », indique M. Crosset.

Pour un Français, il est généralement compliqué d’emprunter en Espagne car cela contraint à y domicilier ses revenus, à moins d’avoir des revenus conséquents ou de posséder un bien en Espagne susceptible d’être apporté en garantie. Autrement dit, les leçons de la crise ont été retenues et les banques espagnoles ne prêtent plus qu’aux riches.

Pour un acheteur français, la situation est d’autant plus problématique que les banques françaises ne prêtent de l’argent pour financer un achat à l’étranger que si les revenus du demandeur sont élevés ou s’il peut apporter un bien en hypothèque. Bref, pour acheter en Espagne, mieux vaut avoir des économies de côté.

Deux nouvelles lois pourraient contrarier la croissance du marché immobilier espagnol. Tout d’abord, la nouvelle Loi hypothécaire (votée en mars et mise en œuvre en juin) prévoit une meilleure information du public et des transferts de coûts des clients vers les banques, donc un crédit plus contrôlé et plus cher. Ensuite, la nouvelle Loi sur les locations qui allonge les durées de location de 3 à 5 ans, et qui accorde plus de droits aux locataires.

Place de la Vierge à Valence. / Tibor Bognar / Photononstop

Concernant la location de courte durée, les choses bougent aussi. Barcelone a été la première ville à s’opposer au développement endémique d’Airbnb. Désormais, plus aucune licence n’est délivrée dans le centre de la ville, ni à Barceloneta, le quartier des plages. En cas de vente du bien dans cette zone, la licence n’est pas conservée.

Madrid et Valence ont aussi pris des mesures drastiques : pour obtenir une autorisation de louer, il faut désormais que le logement dispose d’une entrée séparée de celle utilisée par les habitants de l’immeuble. A Palma de Majorque, les locations touristiques sont désormais interdites dans les immeubles collectifs.

Plage de Postiguet avec le chateau de San Fernando en arrière-plan, ville d’Alicante, sur la Costa Blanca. / Richard Taylor/Sime / Photononstop

Surtout, Airbnb et consorts ont désormais l’obligation de communiquer au Fisc espagnol les informations concernant les propriétaires qui louent sur de courtes durées (moins d’un mois). Pour les Français qui avaient l’habitude de ne pas déclarer les loyers perçus, la fête est finie. « L’imposition représente environ 20 % des revenus nets », précise M. Crosset. Mieux vaut donc opter pour la location « classique », qui rapporte environ 4 % nets par an. Pour obtenir davantage, acheter un grand appartement pour le louer à des étudiants vivant en colocation, par exemple à Valence, est une solution intéressante car il y a pénurie. Un tel investissement peut rapporter de 8 % à 10 % par an.

Prochain marché immobilier analysé : le Portugal.